Un de
ces fils les plus célèbres, William Faulkner - né à New Albany, pas loin de
Memphis - a écrit, «pour bien comprendre le monde, vous devez d’abord comprendre
un endroit comme le Mississippi».
Voilà
donc une première bonne raison de lire l’ouvrage de Bernard Brigouleix et de
Michèle Gayral, «Mississippi, le roman fleuve de l’Amérique»(*).
Mais il
en existe bien d’autres pour se laisser emporter le long du cours d’eau le plus
long des Etats-Unis.
Car,
comme nous le rappelle les auteurs, le Mississippi a forgé l’Histoire de l’Amérique
au même titre que New York ou la Californie: «Sans le Mississippi, les
Etats-Unis resteraient certes une des plus grandes nations du monde – dont c’est
justement le propre que de ne pas voir cette grandeur suspendue à une seule de
leur composantes, si imposante soit-elle. Mais enfin, qui ne voit qu’à ce pays
de superlatifs, l’hyperbole mississippienne manquerait tout de même terriblement?
Et pas seulement aux yeux des passionnés de géographie physique: l’Ol’Man River
des chanteurs de jazz est aussi, en soi, un acteur économique de première
grandeur. Et, puisque l’on parle de jazz, le lieu de naissance d’une double
forme musicale (et même triple: n’oublions pas, outre le blues, le rock) d’autant
plus capitale qu’elle a essaimé à travers le monde entier avec le déferlant
succès que l’on sait. Et encore une source d’inspiration prodigieuse pour la
littérature américaine: Mark Twain, William Faulkner, John Steinbeck, Tennessee
Williams, Scott Fitzgerald, Richard Wright, tant d’autres, de stature également
universelle…».
Et c’est
vrai qu’au fil de ce livre bien écrit et très documenté, on en apprend à toutes
les pages sur cet univers, à la fois, si particulier et, en même temps, si
hétérogène (le Nord du fleuve n’ayant que peu de chose à voir avec son Sud).
On se
replonge ainsi dans les expéditions française qui permirent de découvrir celui
que les Amérindiens appelaient «le Père des eaux» («Meschacebé»), dans le
peuplement des berges, dans les paysages changeants, dans la formidable
aventure des vapeurs qui naviguèrent sur son lit.
Sans
oublier les épisodes ô combien important de la Guerre de sécession (que les
Américains appellent Guerre civile) ou de la conquête des droits civiques, en
passant par cette fameuse marche des noirs des Etats du Sud vers ceux du Nord
pour trouver du travail dans les usines des bassins industriels et pour
espérer, souvent à tort, qu’ils ne seraient plus victimes de ségrégation, celle-ci
n’étant plus légale mais sociale et culturelle.
Il faut
lire ce livre pour savoir ce que les Etats-Unis doivent au Mississippi.
Et
notamment cet ouvrage sans nul pareil, «Huckleberry Finn» de Mark Twain,
considéré comme le premier vrai roman «américain», ce «river-book» qui inspira
tellement de «road-book» dont celui de Jack Kerouac, «Sur la route» («On the
road»).
Et seul
ce «fleuve magistral qui a largement façonné les Etats-Unis d’aujourd’hui à
travers ses innombrables aventures d’hier, heureuses ou tragiques, glorieuses
ou misérables», comme le disent fort justement les auteurs, était capable d’être
le théâtre d’un tel chef d’œuvre…
Alexandre
Vatimbella
© 2012
LesNouveauxMondes.org
(*)
Editions du Rocher, 2012, 263 pages, 20,20€